Un oncle de mon père, Gontran Hiez, né en 1893 à Gomiécourt (Pas-de-Calais) a été mobilisé en 1914 et a été tué au combat à Maubeuge le 11 septembre 1914 : son nom est inscrit au mémorial de Douaumont. Ce village de Gomiécourt a été occupé par les Allemands et mon père, Eusèbe Hiez, né en 1903, me racontait que, pour se nourrir, il était obligé d'aller fouiller les tas de fumier où les Allemands déposaient leurs épluchures. Ma cousine qui était ouvrière agricole disait que, lorsqu'on ramassait les pommes de terre, on avait un sac pour les pommes de terrre et un autre pour la mitraille que l'on vendait ensuite au prix du métal : on en trouvait encore jusque dans les années 1950. Mon père avait un champ dans lequel il ne pouvait pas entrer parce qu'il y avait des obus ou des bombes qui n'avaient pas explosé. Le village a été complètement détruit et reconstruit après la guerre, avec les dédommagements. Je possède un livre pour enfants, édité en 1920, qui a appartenu à la seconde épouse de mon père, Geneviève Galliot, née en 1913. J'avais lu cet ouvrage quand j'étais adolescente et je viens de le relire, avec la maturité d'une dame de 72 ans et, bien sûr, je n'ai plus le même regard : quand on est jeune, on a l'esprit en peu épique... et puis j'étais beaucoup dans le scoutisme et ça confortait un peu tout ce que j'entendais. Mais maintenant je suis beaucoup plus loin de l'esprit de la hiérarchie militaire et je trouve que les Allemands sont vraiment décrits sous un jour inhumain. Les jeunes d'aujourd'hui ne sont plus marqués par le patriotisme de l'époque, ils ont l'esprit beaucoup plus européen.
ACA4640172_03_TEXIER_01_01 : Les petits héros de la grande guerre, de J. Jacquin et A. Fabre, dessins et aquarelles par Henry Morin, Paris, Hachette, 1920.